Denise Grisi
peinture ecologique
OUTSIDER ART / art informel
Catalogue 8 BHN Lyon 2019
World of Art
58 th Biennale de Venise vol 2 2019
Anne Devailly
journaliste Artistes d'Occitanie
Exposition Désordres
Le dessous prend le dessus.
+La valeur d'une exposition n'est pas dans la durée mais dans l'intensité du moment où elle arrive.
C'est pour cela qu'il existe des moments inoubliables au fond des bassins de la Piscine du Rhône, des choses inexplicables et des artistes qui firent les premières éditions de la Biennale Hors Normes...
Le peintre "apporte son corps" disait Valéry, grâce aux désordres les artistes vont s'exposer sans retenu se dépouiller de l 'esthétisme pour confectionner deux espace de liberté afin d'interroger le public, la société et peut-être même l'ébranler en mêlant le désir d'une autre forme d'être dans l’échange.
Le but de désordres se résume à ces quelques mots de Pirandollo "C'est sous les pas que se forme le chemin".
Catalogue pour la 8BHN "Le jour d'aprés" p168 Buro2 presse 2019
Encadrer la liberté du geste
Peintre apparemment très libre et sans aucune entrave, Denise Grisi travaille par série, chaque série étant centrée non sur un thème mais sur une technique. De quoi concilier une peinture très libre avec un travail d’approfondissement.
Denis Grisi a été dans une autre vie médecin. Et puis, en 2012, elle arrête son travail de médecin généraliste, change de vie, et ouvre une consultation d’hypnose. Aujourd’hui, elle est passée à autre chose, et se consacre à temps plein à un travail de création. Les deux précisions antérieures à sa vie de peintre ont leur importance. Médecin: c’est sans doute ce passé professionnel et la sécurité matérielle, même relative, qu’il apporte qui peut lui permettre d’aborder la création artistique en toute liberté, sans la contrainte d’en tirer de quoi vivre. L’hypnose: La deuxième partie de sa carrière médicale a aussi son importance, car en 2012, elle ne fait pas que proposer ses services pour des consultations d’hypnose. Elle applique cette technique à sa propre personne pour peindre sous autohypnose, poussant le plus loin possible la volonté de créer dans un “lâcher-prise” qui échappe le plus possible à une volonté consciente et raisonnée. On songe au poète Michaux qui avait écrit des poèmes sous l’influence du mescal, pour atteindre des réalités différentes.
Le lâcher-prise, voilà le mot qui résume le plus à la fois la recherche et l’oeuvre de l’artiste.
Elle se lâche donc, essaie, conçoit ses produits, change de technique. Et son travail relève de cette grande liberté où l’inventivité et le foisonnement des couleurs priment avant tout. On y trouve beaucoup de visages, certains riant, d’autres plus hallucinés, des imageries parfois populaires, des collages vaguement surréalistes inspirés par un élément collé au départ, etc.
“Mon point de départ est toujours le même: je fais couler le pot de peinture, noire ou parfois rouge, pour créer des traits sur ma toile, et ce sont ces traits que je guide plus ou moins et qui vont définir le motif, le plus souvent des personnages, qui vont ensuite raconter une histoire sur la toile. Mais ce n’est pas forcément le visage qui apparaît en premier. Dans tous les cas, je ne fais jamais d’esquisse préalable”.
Denise Grisi travaille sur des toiles de lin libres, non mises sur châssis. “J’applique une matière plus souple ou élastique que le gesso qui me permet de rouler la toile sans conséquence pour la peinture, tout en maintenant un aspect granuleux au fond. Le fond que je mets et que j’ai mis au point me permet ensuite de travailler avec une technique qui s’apparente à la technique des fresques”.
Pour garder néanmoins un fil conducteur à ce travail, l’artiste a choisi depuis 2000 de travailler par série, chacune d’entre elle étant centrée non pas sur un thème mais sur une technique.
« En fait, je ne suis vraiment dans le lâcher-prise que dans la dernière série, Impulsio, commencée en fin septembre 2019. Je me suis lancée dans cette série après avoir été sélectionnée pour la 8è Biennale de Lyon. J’ai commencé fin septembre la série pour une Biennale qui ouvrait trois semaines après! C’est sans doute pour cela que je considère être vraiment dans l’impulsion, le spontané dans cette série: il fallait aller vite, advienne que pourra ».
Auparavant, il y a eu plusieurs séries, pas non plus des cents et des milles, car Denise Grisi n’est passé à la peinture qu’il y a une dizaine d’années et peut rester de longs mois sur une technique pour en approfondir les possibilités. En 2012, quand elle a déménagé pour s’installer à Cahors, elle a même repris une première série pourtant commencée en 2000 qu’elle a poursuivie jusqu’en 2014! Le lâcher-prise n’est pas synonyme d’un survol des thèmes ou des techniques.
Récemment, elle a également réalisé tout un travail sous auto-hypnose, Inouïs, un travail qui allie expression abstraite avec un “dripping” permettant une expression plus libre. “J’ai mis l’accent encore plus qu’avant sur le lâcher-prise et les couleurs. On retrouve évidemment une influence des démarches précédentes avec l’apport du graffiti, avec des empreintes, des coulures… mais je ne pense pas que j’aurai pu entreprendre ce travail plus tôt. Il nécessite une vraie détente, que l’auto-hypnose m’a contribué à trouver”.
Pour la série intitulée Instamatics réalisée précédemment, l’artiste a intégré des photos à son travail de peinture, les photos agissant un peu comme des instantanés autour desquels elle a ensuite imaginé un prolongement. Contrairement aux autres, les toiles de cette série ne sont pas nécessairement centrées sur des personnages, mais peuvent rester des évocations de paysage, inspirés par l’instamatic de départ.
Pour Regard en marge et EmpreintesZ’urbaines, le travail incluait cette fois-ci des papiers collés, et des affiches lacérées. Avec cette dernière série, elle a gagné le “premier prix au forum de la culture” à Naples dans une exposition regroupant des oeuvres sur le thème des droits de l’homme. Les affiches sont ici utilisées comme un élément de la toile, un élément qui va guider la suite du travail, mais qui n’est pas nécessairement l’élément principal. « Je travaille à plat, je rajoute des graffitis, mais comme je travaille à plat, ce sont de faux graffitis, avec des coulures mais sans travail à la bombe comme sur un véritable mur. Je recrée des bouts de mur, mais avec les outils du peintre en atelier ».
Aujourd’hui, l’artiste poursuit son travail, au jour le jour. La série suivante? ”Aucune idée! On verra bien… A chaque moment de vie son inspiration !”
Anne Devailly pour Artistes d’Occitanie dans les 30 artistes 2020 p 39-42