Marie Cordié Levy

Docteur en Histoire de l'Art*1.

Art Brut 27

USA Gallery.

Denise Grisi : À fleur de peau dans la figuration libre. Errant dans les rues de Decazeville après un drame familial, Denise Grisi s’arrêta devant la vitrine d’une femme encadreur. C’était il y a plus de trente ans. Il y avait là des couleurs et des cartons. Elle entra dans la boutique, les acheta et ne s’en sépara plus jamais, scellant ainsi le début d’une carrière artistique remarquable. Il lui fallait “exorciser des choses” reconnaît-elle pudiquement aujourd’hui. Denise Grisi est une enfant du Sud-Ouest. Elle aime la couleur, l’énergie, la vie. Ses préférences vont aux peintures pariétales, à Matisse, aux impressionnistes et à Basquiat. De dimension modestes, les séries qu’elle peint d’un jet retiennent l’attention des galeries et des salons: La Galerie Monteolivetto fixée à Nice et à Naples expose soixante quinze de ses Empreintes Z’Urbaines en 2011 ; le salon Marche du côté sauvage de Chaumont sur Marne, sa série Inouïs en 2018 ; la biennale hors norme de Lyon (8BHN), sa série Impulsio en 2019 ; et la très active galerie le Réservoir de Sète l’expose à son tour en 2020. A chaque fois, catalogues ou articles reconnaissent la force de son travail avec des titres aussi éloquents que Désordres, Marche du côté sauvage, ou Fais graff aux couleurs alors que la 58è biennale de Venise la place en couverture comme membre de l’outsider art (2019). Un article de la Dépêche parle de “fresques urbaines des temps modernes inspirées des tags et des graffitis”, et Gennaro Oliviero de “légèreté […], de rêves et d’attentes confiantes.”*2 En 2013, elle reçoit le premier prix des “Artists for Human Rights” du forum de la culture de Naples pour son œuvre L’équilibre harmonieux. Denise Grisi est une artiste de l’extérieur au sens propre comme au figuré : elle se déplace vite, emprunte trains et avions pour rejoindre son lieu d’exposition avec ses toiles roulées sous le bras car les grands châssis sont trop lourds à porter. Labile, l’œil pétillant, elle photographie au passage sur son téléphone les couleurs des ciels, des pierres, de l’eau et des vieilles portes qu’elle rassemble dans des recueils qu’elle nomme Mes carnets. Mais c’est surtout une gestuelle qu’elle cherche à rendre sur la toile comme pour Le guitariste, Peinture fraiche, Chat perché (in Impulsio). En street artist avertie, elle relève la drôlerie des situations (Les trois clowns, Joueurs de cartes, Silence!, Fête de la soupe in Empreintes z’urbaines), la folie des rencontres (Tout feu tout flammes, ibid), les déceptions amoureuses (Amour fusion, Love story mad, ibid), la cocasserie des fêtes locales (Samedi soir, ibid), n’hésitant pas à caricaturer quelques travers sociétaux au passage (Censure, Stop la guerre, Doublement exploitées, Art contemporain, ibid). Pour cette vision à rebrousse-poil d’une vie quotidienne à la grisaille parfois éprouvante (Alors heureux, ibid), où les guitaristes déjantés côtoient les femmes au foyer survoltées, Denise Grisi déchire les affiches sans en faire une pratique affirmée à la Jacques Villeglé, et utilise la technique de l’ajout afin de permettre à l’imaginaire de vagabonder : le public pourra placer sur la toile des éléments mobiles là où il l’entend pour en changer le sens. Avec sa peinture figurative colorée, son refus des genres culturels, son attrait pour l’art en marge et sa réception à l’actualité, ¬Denise Grisi insuffle aux valeurs de la figuration libre une énergie vivifiante comme le titre de ses tableaux en témoigne. Avec la série Inouïs qui succède à la narration figurative d’Impulsio et d’Empreintes z’urbaines, Denise Grisi s’engage dans un tournant expressionniste plus profond, proposant des petites scènes de genre — ou plutôt de rue — tout aussi électriques, où surgit une intériorité étrange… Le rythme y est moins frénétique, plus conscient de l’écho qu’il produit sur la toile. Plus de légendes, mais des personnages posés en énigmes vivantes, inconscientes que leur propre destin…tourne en rond. Le dripping à la Jackson Pollock utilisé précédemment de façon quasi explosive a laissé place à un fil-trace qui caresse les visages, suit les paroles, laissant apparaître en filigrane le fantôme de leurs mots. Cette peinture à fleur de peau est ponctuée de grimaces, de sourires et de regards sur l’ailleurs dont la légèreté et la douleur n’entrave jamais l’absurde. A tâtons, Denise Grisi “écrit des silences, des nuits, note l’inexprimable, et fixe des vertiges” pour reprendre les mots d’Arthur Rimbaud, créant un univers plus sombre d’une authenticité plus affirmée *3. Aujourd’hui, l’artiste s’est attelée à une nouvelle recherche sur la matière. Décidée à abandonner l’acrylique, elle s’est tournée vers des pigments et des liants naturels, renouant avec le temps apaisé des saisons et de la terre. En retrouvant les gestes de l’enfance quand elle errait dans l’atelier de ses parents artisans à la recherche de nouvelles mixtures, elle a modifié et affiné sa palette. Quittant son jardin cadurcien qu’elle cultive avec poésie, elle arpente aujourd’hui le département du Lot à la recherche de plantes et de matériaux susceptibles de constituer de nouveaux coloris écologiques, empruntant pour les trouver les chemins secrets inhérents à toute invention. Ces nouvelles textures alliées à son regard tendre et lucide sur ses semblables sauront renouveler, nous en sommes persuadée, notre émerveillement au monde. Paris, Janvier 2021. © Marie Cordié Levy *1 Marie Cordié Levy est docteur en histoire de la photographie. Elle a publié deux livres sur l’autoportrait photographique (éditions Actes sud et Mare et Martin), une série d’articles pour des revues en ligne (Transatlantica, E-Rea, Sillages critiques, TK 21, magazine du Jeu de Paume), et contribué à des ouvrages collectifs. Dans sa recherche en histoire de l’art, elle aborde les images en suivant la théorie de la micro-analyse définie par l’historien Carlo Ginzburg. Son dernier livre autoédité, Ballades photographiques à la frontière du réel, regroupe les articles qu’elle a publiés dans diverses revues ces quinze dernières années. *2 Voir l’article publié dans la Dépêche du 23/7/2014 et le catalogue de l’exposition à la Galerie Monteolivetto à Nice, du 8 au 29 octobre 2010 et à Naples, du 10 au 31 mars 2011 : Grisi, Empreintes z’urbaines, et Beck, Emotional Sculptures, articles de Gennaro Oliviero, Beatrice Bregolie Orts, Brigitte Camus, Christian Lorio. *3 Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, Délires II, l’Alchimie du verbe : “J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges.”

Featured artist Denise Grisi  05/09/2020 Instagram

“Mon Eye”

46 x 55 cm

Artist statement about the artwork:

“From series Ecologic 01 the first of a new #ecological painting series on hemp canvas on wooden frame, made from natural pigments and binder (no chemical ingredients). “

To see more new pieces by Denise visit @denise_grisi

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